Urbanisme durable : l’architecture en bois et paille gagne du terrain

Alors que le Forum Bois Construction se déroulera du 13 au 15 avril 2016 à Lyon, réunissant architectes, techniciens et scientifiques, le choix du bois dans la construction se confirme pour concilier exigences économiques, environnementales et sociétales. Rencontre avec l’architecte pionnière Sonia Cortesse qui, depuis 1994, utilise du bois et des matériaux biosourcés pour la construction d’équipement public et d’école notamment.

 

Pourquoi construire en bois ?

Sonia Cortesse : Je construis en bois depuis 1994 et à l’époque les architectes étaient assez peu nombreux à s’intéresser aux qualités environnementales de ce matériau. Le bois est une matière renouvelable qui demande peu d’énergie pour sa production. Il est parfaitement réutilisable pour construire d’autres ouvrages et recyclable en fin de vie. C’est d’ailleurs ce qui s’est fait pendant des siècles : les poutres des charpentes ou des planchers étaient réutilisées pour construire de nouveaux bâtiments. Le bois de construction se « cultive », à la manière d’une exploitation agricole, bien que le cycle soit plus long, et la gestion soit différente. Pour qu’une forêt soit gérée durablement,il est nécessaire de n’en prélever qu’une petite partie et que le choix des espèces soit diversifié. En fin du cycle de vie ultime, le bois peut être transformé en énergie encore faut-il qu’il ne soit pas traité et à ce niveau-là, les réglementations doivent encore évoluer.

 

Quelles sont les autres qualités du bois ?

C’est une ressource formidable même s’il ne faut pas tout construire en bois pour ne pas l’épuiser, le développement doit être équilibré. Pendant toute leur croissance, les arbres accumulent le carbone, le stockent ensuite pendant toute la durée de vie du bâtiment : 1m3 de bois utilisé dans la construction, c’est 1 tonne de CO2 en moins dans l’atmosphère.

Le bois structurel, utilisé à l’intérieur, correctement mis en œuvre, est extrêmement pérenne (les plus vieilles constructions connues sont des structures en bois). Le seul inconvénient à son utilisation est qu’il n’aime pas l’humidité. Pour y remédier, il suffit comme pour n’importe quel autre matériau de bien respecter les règles de mise en œuvre et d’utiliser une essence adaptée, certaines étant plus « naturellement durables » que d’autres.

 

Entres autres réalisations vous avez construit l’Ecole Louise Michel à Issy-les-Moulineaux (92) qui est entièrement en bois et en paille pour l’isolation, une première en France, racontez-nous ?

Lors de l’appel d’offre pour le concours de l’école Louise Michel, le maitre d’ouvrage demandait que l’architecte s’associe à un bureau d’étude bois, ce qui était assez rare en 2006-2007. J’ai répondu avec mon associé Bernard Dufournet à l’appel d’offre parce qu’il correspondait justement à ce que nous souhaitions réaliser avec notre équipe : un bâtiment sur 3 niveaux structurellement en bois – et c’est probablement ce qui nous a différencié de nos concurrents- avec une performance thermique passive et une isolation biosourcée. C’était assez innovant. Aujourd’hui, c’est très différent, de nombreux projets en bois se développent, il suffit de regarder le Prix national du bois, il y a énormément de projets car le bois séduit par son esthétique et son cycle de vie.

Façade sud bâtiment principal © Olivier Wogenscky

En quoi ce type de construction améliore-t-elle la qualité de vie des usagers ?

En premier lieu, la qualité de vie des ouvriers est améliorée car le bois est un des rares matériaux structurels qui peut être préfabriqué entièrement en atelier. Une grande partie du chantier se fait en donc à l’intérieur, à l’abri du vent, du froid et de la pluie. Sur le chantier, une construction bois se monte très vite, avec peu d’ouvriers. Comme le temps de mise en œuvre est beaucoup plus court, il y a moins de nuisances pour les riverains : moins de rotation de camions, de poussières et de bruit car une charpente en bois s’assemble à la façon d’un jeu de construction.

Je n’ai pas trouvé d’études qui démontrent le réel impact du bois sur le bien-être, mais les utilisateurs rapportent souvent un ressenti particulier… Est-ce subjectif ou non ? Les retours que j’ai eu de l’école Louise Michel, c’est que les enfants sont plus calmes, les adultes se sentent bien. Enfin la performance thermique des parois à ossature bois apporte un confort réel. A condition que l’interface entre les murs et la dalle en béton soit bien conçue et réalisée, sans ponts thermiques. C’est donc une enveloppe très performante, un bâtiment facile à chauffer qui consomme moins d’énergie à dépense d’investissement égal.

 

Structure et ossature bois, isolant biosourcé en paille, et si les 3 petits cochons s’étaient trompés ?

Oui, ils se sont trompés (rire) ! Pourquoi avons-nous fait le choix avec mon équipe d’isoler avec de la paille ? Nous nous étions fixés un objectif thermique très ambitieux de bâtiment passif avec 60 % de mieux que la RT 2005, puisque l’école a été conçue en 2007-2008 avant la RT2012. Pour atteindre cet objectif, nous aurions dû placer deux ou trois couches de laine de bois. Avec le bureau d’étude, on s’est dit que la paille répondait bien à notre motivation de construire avec des matériaux très écologiques. L’inconvénient de la paille est que le bâtiment allait être un peu plus épais. La paille est en effet à épaisseur égale environ 20 % moins isolante qu’un autre matériau biosourcé. Elle est par contre nettement plus dense, ce qui lui donne une meilleure performance pour assurer le confort d’été que les laines de bois, de chanvre, ou de lin.

 

Et la paille possède un autre gros avantage qu’on ne soupçonne pas, c’est qu’elle résiste au feu !

Oui, comparativement aux autres isolants, la paille résiste bien au feu. Elle est très compressée, donc il n’y a pas d’oxygène à l’intérieur. Les petits brins de paille qui dépassent brûlent en surface mais s’éteignent tout de suite. Néanmoins comme il n’existait pas en France de bâtiment recevant du public sur 3 niveaux en paille, on a du faire un essai au feu qui a permis de démontrer que la paille répondait aux normes de la réglementation incendie. Grâce à cet essai dit « LEPIR 2 », réalisé au CSTB, d’autres écoles ont pu être construites à base de ce matériau.

Le bois a également une grande résistance au feu. Une couche carbonisée se crée en surface et ralentit la progression du feu. Le caractère isolant de celle-ci permet au cœur du bois de conserver une température normale et l’intégralité de sa résistance mécanique. La structure ne se déforme pas, continue d’assurer sa fonction porteuse jusqu’à l’intervention des pompiers et l’évacuation des personnes !

Préfabrication en atelier des caissons structure bois isolés en paille (Ateliers Ducloux) ©ADSC

En plus d’être un bon isolant thermique la paille n’est pas chère à produire. Est-ce le matériau de l’avenir ?

Il faut savoir que la France est un des dix premiers pays producteur de céréales. On produit une quantité de paille importante : 10% de la récolte d’un an de bottes de paille permettrait l’isolation de tous les bâtiments neufs en France…Donc c’est énorme !

La paille a un coût zéro lié à son énergie grise car quoi qu’il en soit, elle n’est pas produite spécifiquement pour faire des bâtiments, mais elle est un co-produit de l’agriculture. En dehors de la filière bâtiment, elle est utilisée pour la litière animale, pour amender la terre et également pour la filière paille énergie qui commence à se développer.

Du point de vue de la qualité sanitaire et de l’impact sur la santé, la paille est très intéressante car on ne rajoute pas de produit chimique pour la rendre résistante aux insectes et au feu comme pour les autres isolants biosourcés, ouate de cellulose, lin, laine de chanvre, laine de coton recyclé. Composée de silice, la paille n’attire pas les insectes ou les rongeurs, de plus elle est entreposée dans un caisson complétement fermé : aucun risque qu’un rongeur puisse venir y faire son nid, ce qui arrive dans le polystyrène et provoque des ponts thermiques.

 

Et que pensez-vous du carton comme isolant ?

Pour le dernier projet que j’ai dessiné – un habitat participatif avec une ferme agricole urbaine– on s’est mis en contact avec un fabricant qui construit des isolants en carton. Ça me paraît intéressant, même si le carton a un confort d’été plus limité ; il faut trouver d’autres façons de maintenir l’inertie, dans les planchers par exemple. Le carton a l’avantage de la légèreté mais l’inconvénient, – et ça c’est un peu le lot de tous les isolants à base de végétaux-, de craindre l’humidité. On est donc obligé de l’emballer dans du plastique et on perd du même coup le côté écologique du matériau.

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