Ce qui a changé dans la façon de concevoir le bâtiment
Avec la RT 2012 et les évolutions sociologiques, le bâtiment est obligé de s’adapter. Quelles sont les nouvelles orientations du secteur de la construction ? Valérie Petitbon, Directrice Communication, Marketing et Développement Durable chez Bouygues Immobilier, nous répond.
Quelles sont les évolutions sociologiques majeures qui font, aujourd’hui, bouger le secteur du bâtiment ?
Valérie Petitbon : En tant que professionnels de l’immobilier, nous nous devons, désormais, de prendre en compte une tendance majeure qui est le vieillissement de la population et la nécessité de permettre aux gens de vivre le plus longtemps possible à domicile. Nous sommes en train d’équiper nos logements afin qu’ils puissent être adaptés, sans surcoût exorbitant, en cas de perte de mobilité. Nous intégrons, dès la construction, tout les prérequis techniques pour installer facilement, par exemple, des barres d’appui dans les sanitaires, des détecteurs de présence ou automatiser la porte d’entrée si cela devient nécessaire. Nous sommes également amenés à réfléchir à une adaptation des logements pour répondre aux besoins en colocation. Pas seulement pour les étudiants mais aussi pour les personnes âgées ou les familles monoparentales. Ce phénomène émergent de cohabitation répond à des contraintes économiques croissantes mais aussi au besoin de lien social qui sont deux grandes tendances qui impacteront le bâtiment dans les années à venir.
La flexibilité est donc un élément fort des évolutions à venir ?
V.P. : Oui, d’autant que la famille évolue, elle aussi, beaucoup : familles recomposées, enfants au chômage qui reviennent chez leurs parents, parents vieillissants qui vont habiter chez leurs enfants… C’est pourquoi les logements, de plus en plus, devront être évolutifs. On a créé des maisons individuelles, Les Lodges à Chanteloup-en-Brie, auxquelles il est possible d’ajouter une ou deux chambres grâce à l’annexion de modules conçus à cet effet. Sur certains programmes de logements collectifs, nous proposons des plans adaptables où un dressing ou un bureau pourra être transformé plus tard en chambre d’enfant, par exemple. Ou bien encore, sur un programme situé à Montpellier, nous avons prévu un système permettant de rajouter un module en façade pour créer un espace supplémentaire.
On commence à parler également de mutualisation des espaces. Quelle est la réflexion de Bouygues Immobilier à ce sujet ?
V.P. : Il est vrai qu’il faut trouver de nouvelles solutions qui répondent, là encore, aux enjeux économiques et écologiques des collectivités locales et des habitants. En ce qui concerne les places de parking, le nombre imposé par les PLU est souvent trop important. Cela coûte cher et leur construction consomme beaucoup de CO2. On est en train de voir comment mutualiser ces parkings entre logements et bureaux, sachant que les premiers ont besoin de places le soir tandis que les seconds les utilisent en journée. Cela peut modifier, à terme, la manière de concevoir les parkings d’immeubles.
Qu’en est-il de la performance énergétique des bâtiments ? Quelles sont les évolutions mises en place dans ce domaine ?
V.P. : La RT 2012 a permis d’abaisser significativement les consommations énergétiques des immeubles neufs. Mais on peut faire mieux que cela et concevoir des immeubles le moins énergivores possibles et qui produisent de l’énergie. Bouygues Immobilier est le spécialiste de l’énergie positive avec ses immeubles tertiaires « Green Office », qui produisent plus d’énergie qu’ils n’en consomment avec, à chaque fois, une solution adaptée au contexte local. Ce peut être la géothermie, le photovoltaïque… Cependant, c’est plus compliqué à mettre en place dans les immeubles de logements, bien que l’on y vienne petit à petit. Nous avons ainsi conçu des programmes à énergie positive à Aix-en-Provence, Montreuil, Nanterre… Cette année, nous avons aussi livré, à Lyon, un îlot à énergie positive de plusieurs immeubles mêlant commerces, logements et bureaux.
Au-delà de la construction, les nouvelles technologies n’ont-elles pas un fort impact, elles aussi, sur la façon de vivre le logement ?
V.P. : Oui. Outre sur le bâtiment lui-même, nous travaillons de plus en plus sur la consommation des habitants. Grâce à la démocratisation des smartphones et tablettes, la domotique est en train de se généraliser. Ces équipements permettent aux habitants de surveiller leurs consommations énergétiques mais aussi de piloter le chauffage, la lumière et les volets roulants à distance, par exemple, et de sécuriser le logement. Aujourd’hui, le numérique est entré dans la vie des gens, les objets connectés se multiplient et les immeubles que nous construisons se doivent d’être « digital friendly ».
Et la nature, parmi ces évolutions sociétales, a-t-elle aussi sa place dans le bâti ?
V.P. : Les gens sont de plus en plus demandeurs de surfaces extérieures, qu’il s’agisse d’un balcon, d’une terrasse ou d’un petit endroit pour planter quelques fleurs. C’est une véritable attente. Chaque fois que cela est possible, nous créons des espaces paysagés avec jardins partagés où les habitants pourront faire pousser leurs légumes. En outre, à la demande des collectivités locales, dans le cadre d’opérations de logements importantes, nous faisons parfois appel à un écologue afin de préserver au maximum la biodiversité du site. Ainsi, l’éco-quartier de Font-Pré, à Toulon, par exemple, va être labellisé BiodiverCity®. Désormais, la qualité de vie chez soi va au-delà du simple appartement. Elle passe par la nature en ville, et aussi par la notion de services de proximité et d’accès aux transports et de « bien vivre ensemble ». Aujourd’hui, le bâtiment et la ville doivent être non seulement durables mais également désirables.