La foresterie urbaine : un défi pour les grandes métropoles

Plus de la moitié de la population vit en ville. Un chiffre qui pourrait atteindre 68% en 2050 (1) ! Face aux nombreux changements climatiques (inondations, pics de chaleur…), les métropoles s’y préparent en prenant des initiatives et en replaçant l’arbre au cœur des projets urbains. C’est la foresterie urbaine.

Les villes doivent montrer la voie en déployant des activités de foresterie urbaine et périurbaine. (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture)

 

Le premier forum Mondial sur la Foresterie urbaine

Initié par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le premier Forum Mondial sur la Foresterie Urbaine s’est tenu au mois de novembre 2018, à Mantoue, en Italie. Son objectif ? Montrer que « les arbres et les infrastructures vertes urbaines et péri-urbaines sont utilisées comme des moyens pour atteindre les Objectifs de développement durable (ODD) au niveau local, dans les villes et les zones urbaines, et à l’échelle mondiale ».

Les arbres plantés en ville présentent en effet de nombreuses vertus écologiques : lutter efficacement contre les îlots de chaleur, favoriser la biodiversité, réduire la pollution atmosphérique ou encore atténuer les changements climatiques. Pour atteindre ces objectifs fixés par l’ONU et viser la neutralité des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050 du Plan climat, le challenge est lancé à chaque ville de s’engager à lutter contre le réchauffement climatique.

  Le permis de végétaliser contribue aussi à créer du lien social, Pénélope Komitès, adjointe à la Maire de Paris, chargée des Espaces verts, de la Nature, de la Biodiversité

 

Replacer la nature au cœur de la ville

Et c’est un challenge qu’elles ont relevé ! À Paris, près de 14 hectares ont été « débitumés » depuis 2014 (l’opération doit s’étendre jusqu’en 2020) pour être transformés en trames brunes ou vertes. Dans le cadre du permis de végétaliser pour lutter contre les îlots de chaleur et favoriser les infiltrations d’eau de pluie, Paris va bientôt fêter son 15 000ème arbre planté depuis 2015 ; 5 000 autres restent à venir. « Les arbres ont un rôle paysager et environnemental très fort puisqu’ils luttent contre les îlots de chaleur, captent le CO2, sont des refuges pour la biodiversité ; ils ont également un rôle social puissant puisque les parisiens, dans leur ville très dense, ont besoin de ces espaces et s’y retrouvent » souligne Pénélope Komitès, adjointe à la Maire de Paris, chargée des Espaces verts, de la Nature, de la Biodiversité.

Dès les années 2000, la métropole de Lyon a adopté une « Charte de l’arbre » dans le cadre du Grand Lyon. L’opération est renouvelée depuis 2011, sous le signe de la « densité heureuse » comme le souligne Gérard Collomb, maire de la ville : « La nouvelle Charte de l’arbre s’inscrit dans la dynamique d’une densité heureuse. Si elle amplifie le retour de la Nature en ville, elle pense surtout l’arbre urbain de façon plus globale, en interaction avec tous les autres éléments de l’environnement urbain. »

De nombreuses villes ont mis en place des programmes de plantations afin de constituer de réelles « forêts urbaines ». Une décision favorable à l’urbanisme et qui profite donc également aux habitants. Une étude à Londres a montré que le nombre de prescriptions médicales avait baissé de 1,18 pour mille personnes, pour chaque nouvel arbre par kilomètre de rue !

 La science se penche également sur le rôle d’humidificateurs que jouent les arbres, lorsqu’ils « transpirent » Bruno Mayeux, expert forestier

 

Les arbres en ville contribuent à diminuer la température de 1 à 3 °C

Au mois de mars 2019, pendant une semaine, le département de la Gironde a célébré l’arbre pour nous apprendre la résilience face au changement climatique. De leur côté, la Région Hauts-de-France et l’ADEME viennent de publier un guide « L’arbre en milieu urbain, acteur du climat en région Hauts de France » destiné aux techniciens et élus locaux. Leur constat part de l’augmentation de 1,37°C de la température moyenne observée à Lille entre 1945 et 2013. Une ville exposée aux risques naturels comme les records de chaleurs mais aussi les fortes inondations en raison de l’imperméabilisation des sols. Il en ressort qu’un des moyens efficaces pour éviter le ruissellement des sols est de planter des arbres et de créer des surfaces végétales perméables. Selon les espèces, rien que les tiges et les feuillages interceptent 25 % des précipitations.

« En plus d’accueillir la biodiversité, essentielle, les arbres jouent le rôle de climatiseurs verts. Ils ne servent pas uniquement de pompes à carbone, leur présence peut faire baisser la température ambiante de plusieurs degrés, parfois jusqu’à 3° C (…) La science se penche également sur le rôle d’humidificateurs que jouent les arbres, lorsqu’ils « transpirent ». C’est un aspect encore peu connu qui pourrait intéresser bien des municipalités » indique Bruno Mayeux, expert forestier.

Pour recenser toutes ces bonnes pratiques, Nature4cities va créer une plateforme web de références autour des Solutions Fondées sur la Nature (NBS). Sur cette plateforme, constituée d’un consortium international et interdisciplinaire (9 pays représentés) seront proposées des solutions techniques, des méthodes et des outils d’aide à la décision permettant de contribuer à la lutte contre le changement climatique tout en préservant les bienfaits de la biodiversité.

Car face au changement climatique, il y a urgence à ce que tous les acteurs privés et publics agissent ensemble.

 

Stefano Boeri, architecte visionnaire

L’architecte italien Stefano Boeri a déjà construit deux immeubles recouverts d’arbres, en Italie, soit l’équivalent d’1 hectare de forêts.

L’architecte a pris conscience que les arbres apportent de l’ombre sur les façades, ce qui réduit la température dans les logements en été et diminue par conséquent les besoins énergétiques des immeubles pour la climatisation. Il se penche déjà sur la construction d’une ville-forêt à Liuzhou, en Chine.

Pour son projet en cours, en Albanie, la construction d’un immeuble de forêt verticale composé de 3 200 plantes et arbustes et 145 arbres, Stefano Boeri défend l’idée « d’un peuplement urbain progressif des villes et métropoles du monde qui, en multipliant la présence d’arbres et de bois, permet de lutter efficacement contre le changement climatique. » Une stratégie que l’architecte milanais a promue avec la FAO lors du premier Forum mondial sur les forêts.

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