Woodoo : du bois polymérisé fait pour durer

Woodoo : du bois polymérisé fait pour durer

A la tête de la start-up Woodoo, Timothée Boitouzet, un jeune architecte de 29 ans, transforme le bois de faible constitution en un super bois translucide et trois fois plus résistant qu’un bois traditionnel ! C’est le bois polymérisé. Une révolution qui pourrait bien, dans quelques années, bouleverser le secteur de la construction.

 

Votre start-up Woodoo a été créée en anticipation d’une société post-hydrocarbure*, c’est bien cela ?

Timothée Boitouzet, architecte et fondateur de WooDoo

Timothée Boitouzet : Effectivement, nous souhaitons promouvoir la ville en bois de demain. Avec WooDoo, nous espérons être acteurs de cette transition. Dynamiser la filière bois en mettant en valeur le patrimoine forestier que la France possède et qui est sous-exploité ! Nous transformons le bois qui est un matériau périssable en un matériau durable. Nous inventons les matériaux de demain basés sur l’économie circulaire, la revalorisation de la biomasse, la création d’emplois dans le secteur de l’énergie verte…

 

Décrivez-nous votre parcours ?

T.B. : J’ai 29 ans, je suis architecte, diplômé de l’Université de Harvard. Je me suis passionné pour le travail de la matière. Pour simplifier je fais le même travail qu’un architecte, sauf que je le fais avec un microscope à l’échelle moléculaire ! J’ai déposé un premier brevet de bois polymérisé en 2015 et j’ai créé la startup Woodoo. Pour l’instant, nous sommes 4 dont un chimiste que j’ai ramené de la Silicon Valley, mais nous allons être amenés à embaucher plusieurs autres scientifiques très prochainement car nous sommes en train de déposer d’autres brevets. Mais, chut… c’est encore confidentiel. Nous avons remporté de nombreux prix de l’innovation : Le grand prix du groupe Total pour les énergies, le Grand prix de l’innovation du CNAM, le prix de l’Echappée Volée, le prix du cabinet d’avocat d’affaire  FIDAL et j’ai gagné le prix de l’innovateur de l’année du MIT.

 

Pourquoi vouloir travailler le bois ?

T.B. : 12 % du bois qui pousse en France est utilisé dans la construction et 38 % pour se chauffer. Les 50 % restant, on n’en fait absolument rien. Il est tout de même coupé, puisqu’il faut élaguer la forêt pour qu’elle respire et qu’elle se développe. Du coup, ce bois dit de faible constitution comme le peuplier, le pin des landes, le tremble… est un bois fragile car très poreux. Ces arbres-là, nous proposons de les revaloriser et de les transformer. Cela fonctionne avec toutes les essences de bois à part les essences exotiques et ça tombe bien puisque que nous nous focalisons plutôt sur un label made in France et Europe continentale.

 

Quel est le procédé de fabrication du bois « armé » ?

T.B. : Nous retirons la lignine du bois, c’est la fibre qui donne au bois toute sa rigidité. Nous la revalorisons en énergie verte que nous revendons après transformation. Cela va réduire notre coup de production. Puis, nous remplaçons cette partie qui compose le bois à 70% par un monomère, une matière plastique qui vient de la biomasse. Il procure de nouvelles capacités au bois en le densifiant. Aujourd’hui, si nous sommes limités à construire une tour de 12 étages en ossature bois traditionnelle, avec notre bois qui est plus rigide, nous pourrons monter beaucoup plus haut.

 

Quelles sont les propriétés de ce super bois ?

T.B. : La structure du bois est comme figée. Le bois devient imputrescible : il ne va plus être soumis à des dégradations dues à l’humidité ou à l’air, il ne va plus se déformer. Ce super bois est aussi plus résistant au feu parce que sa masse volumique a augmenté, il a plus de matière et du coup il brûle plus lentement.

 

Outre ses qualités physiques, il est aussi attirant par son aspect esthétique et son prix compétitif…

T.B. : Pour qu’une nouvelle technologie émerge sur le marché, il faut qu’elle ait un aspect esthétique intéressant et un coût compétitif. Notre procédé nous permet d’être hyper compétitifs car nous fonctionnons sur une économie circulaire, c’est-à-dire que nous revalorisons du bois de faible constitution qui est soit quasiment gratuit, soit très peu cher, nous transformons la lignine en énergie verte, énergie verte qui vient réduire l’empreinte carbone, empreinte du bois qui est déjà faible et qui en plus vient réduire son coût puisque nous la revendons plus chère. Quant à l’aspect esthétique, s’il peut apparaître comme quelque chose d’ornemental ou décoratif, il faut savoir qu’aujourd’hui nous réinventons complètement la physicalité du bois qui devient translucide sur toute son épaisseur de 8 mm à 1 cm.

 

Quels sont vos projets ?

T.B. : Pour pouvoir utiliser ce bois armé dans le bâtiment, nous devons déposer plusieurs certifications ATEX en fonction de l’application recherchée, mais cela coûte cher et prend beaucoup de temps… Aujourd’hui nous sommes au stade de développement et nous réalisons des prototypes préindustriels pour des secteurs qui nous ont sollicités et où la certification n’est pas nécessaire. Par exemple, pour le secteur du luxe, du design, de l’automobile et de l’aménagement intérieur. D’ici deux ans, nous produirons les éléments de second œuvre dans la construction : les façades, les planchers, les éléments de couverture et d’aménagement extérieur. Dans cinq ans, nous lancerons la fabrication des éléments porteurs en bois armé qui créeront, nous l’espérons, un impact intéressant sur le secteur de la construction bois.

*Il va falloir, pour des raisons écologiques et économiques, penser à des solutions de remplacement du pétrole et des dérivés plastiques dans le bâtiment et la construction.

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